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Betty Boob // Cazot & Rocheleau ► Couvrez ce sein que je ne saurais voir

Pour bien marquer la journée internationale des droits de la femme, j’ai voulu me faire plaisir en lisant cette BD très féminine, qui me faisait de l’œil depuis des mois. Difficile de ne pas remarquer cet album avec une telle couverture et un titre pareil !


betty-boob-9782203112407_0Elle a perdu son sein gauche, son job et son mec.


Elle ne le sait pas encore, mais c’est le meilleur jour de sa vie.


Le nom de Julie Rocheleau, la dessinatrice, dont le coup de crayon fut fort apprécié sur le premier tome de La colère de Fantomas, me garantissait du bonheur pour les yeux. Tandis que le sujet, les conséquences d’une ablation mammaire, et bien… m’effrayait.

Comment faire une histoire qui ne sombre pas dans l’apitoiement avec ça ? Et bien, il n’y a qu’à regarder la couverture et lire l’accroche pour le savoir: il suffit de parler d’une femme qui surmonte cette épreuve et le fait avec panache !

Contenant très peu de mots, tout en séquences imagées hautes en couleur, Betty Boob est une ode à la joie de vivre. Les deux autrices jouent sur les symboliques et les métaphores pour faire comprendre les situations. Apportant une touche de poésie et de légèreté à des passages vraiment durs. Ces derniers se concentrent essentiellement dans la première partie quand Elisabeth prend de plein fouet les conséquences de son opération.

Si tu ne peux plus me regarder, je ne veux plus te voir !

D’abord il y a le regard de son conjoint, qui ne semble plus réussir à voir en elle la femme qu’il aime, mais une personne limitée à son sein, ou plutôt, à l’absence de son sein, dont la vue entraîne le malaise. Un malaise bien physique, puisqu’il perd réellement connaissance, tel un phobique devant sa plus grande peur.

– Big Sister nous regarde.
– Prends garde ! Elle les veut bien en rang, deux par deux.

Ensuite, il y a le regard de la société, symbolisé par cette patronne qui exige qu’Elisabeth ait deux seins pour continuer à évoluer normalement (au passage, dans le contrat de travail on peut voir qu’il est aussi question de bonne humeur constante, de poids…) et qui la licencie/rejette parce qu’elle ne veut s’y conformer.

De la technologie de pointe, avec téton rétractable. Avec ce sein-là ma belle, vous allez faire des envieuses.

Les deux autrices en profitent d’ailleurs pour mettre en évidence le business juteux lié à la reconstruction mammaire, avec des prix exorbitants et inaccessibles (au point que les femmes mendient dans la rue pour s’offrir des prothèses et que les voleurs préfèrent dévaliser les boutiques d’implants plutôt que les banques !).

– J’ai peur.
– Il suffit de se laisser aller.

En tant que femme je suis évidemment émue par ce qui arrive à cette « consœur » qui se sent charcutée, chamboulée dans sa vie, perdant soudainement tous ses repères. Je comprends sa détresse, puis les doutes et les peurs qui l’assaillent par vagues… Mais plus que tout, je suis admirative du chemin parcouru, de la transformation épanouissante de Elisabeth « la femme qui vient de subir une mastectomie -oh comme c’est horrible ! » en Betty « qui est belle parce qu’elle assume sa différence -wow ! j’aimerais être comme elle ».

– Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?
– Ce que je veux.

Il y a beaucoup de douceur et de tendresse dans le trait de Julie Rocheleau, ainsi qu’un incroyable dynamisme qui rend parfaitement le pep et le pétillant de Betty et de toute la joyeuse compagnie qui l’entoure.

Au-delà du contenu des numéros de la troupe de spectacle burlesque, le ton de Betty Boob s’oriente clairement dans ce registre: attitudes, expressions et réactions sont volontairement exagérées, le comique empiète sur le cartoonesque et certaines scènes s’ancrent dans du farfelu, de l’extravagant, presque de l’irréel.

Au point que j’ai trouvé tout ça un peu confus par moment. Je n’ai pas compris toutes les symboliques, les allusions et les références, mais je me promets d’en faire une relecture plus soutenue à l’occasion. Quitte à en discuter avec d’autres personnes pour être éclairée par leurs interprétations. En tout cas, Betty Boob est une BD qui fait vraiment du bien, de celles qu’on aimerait croiser plus souvent.

Lire un extrait / Les autres BD de Julie Rocheleaujukebox-corner-coup-de-coeurjukebox-corner-notation-4-pommes

 


Parution: 2017 / Editeur: Casterman / Pages: 184 / E-BD: Oui / Statut: One-shot

 

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